Entretien papier prix AWARE
→Prestsæter Ellef (dir.), These Are Situationist Times! An Inventory of Reproductions, Deformations, Modifications, Derivations, and Transformations, Oslo, Torpedo Press, 2019
→Jacqueline de Jong: The Situationist Times 1962-1967, New York, Boo Hooray, 2012
→Ed Wingen & al., Jong de Jacqueline, Undercover in de Kunst / Undercover in Art, Amsterdam / Gand, Ludion, 2003
Jacqueline de Jong, Cobra Museum for Contemporary Art, Amstelveen, 2003
→Jacqueline de Jong – Rétrospective, Les Abattoirs, Toulouse, 21 septembre 2018 – 13 janvier 2019
→Pinball Wizard: The Work and Life of Jacqueline de Jong, Stedelijk Museum, Amsterdam, 9 février – 18 août 2019
Artiste et éditrice néerlandaise.
Jacqueline de Jong naît dans une famille juive d’amateurs et de collectionneurs d’art. Face à la montée du nazisme, sa mère et elle se réfugient en Suisse alors qu’elle n’a que trois ans, puis reviennent aux Pays-Bas après la guerre. Après avoir voulu embrasser, en vain, la carrière d’actrice, elle accepte en 1958 un poste d’assistante au Stedelijk Museum à Amsterdam, sous la direction de Willem Sandberg. Elle fréquente les cours de l’historien de l’art Hans L. C. Jaffé et l’atelier du peintre Theo Wolvecamp (1925-1992). Elle est alors proche des membres du mouvement CoBrA et plus particulièrement d’Asger Jorn (1914-1973). L’ouvrage The Case of The Ascetic Satyr, composé à quatre mains entre 1959 et 1969, apparaît comme une chronique de leur relation amoureuse.
J. de Jong rencontre en 1959 le Gruppe SPUR, un collectif d’artistes allemands liés à l’Internationale situationniste (IS). Elle se rapproche alors un peu plus étroitement du mouvement, devenant l’une des rares femmes à y être associées. Elle fait office d’interprète lors du congrès de Londres en septembre 1960 et, sous l’injonction de Guy Debord, dirige quelques mois une fantomatique section hollandaise. Elle s’installe à Paris en décembre 1960 et pratique assidûment la gravure dans l’atelier de Stanley William Hayter (1901-1988). En février 1962, les membres du Gruppe SPUR sont exclus de l’IS, événement qui scelle la rupture de J. de Jong avec le groupe de G. Debord et la pousse à mener à bien le projet éditorial de The Situationist Times (1962-1967). Elle utilise d’abord sa revue pour soutenir les parias du Gruppe SPUR et rallie progressivement à elle des ami·e·s et connaissances de divers horizons artistiques : d’abord Noël Arnaud (1919-2003), coéditeur des deux premiers numéros, Serge Vandercam (1924-2005), Max Bucaille (1906-1996), mais aussi Pol Bury (1922-2005), Guido Biasi (1933-1982) ou encore Lourdes Castro (née en 1930) et René Bertolo (1935-2005). Dans les numéros 3, 4 et 5, respectivement dédiés aux entrelacs, aux labyrinthes et aux anneaux, J. de Jong compile des images de toutes époques et de toutes origines pour composer une forme d’encyclopédie illustrée de l’« analyse situs » ou topologie. The Situationist Times explore avec une grande liberté le potentiel subversif et heuristique de cette branche des mathématiques non euclidiennes, objet d’une abondante littérature théorique d’A. Jorn, également contributeur de la revue.
Tout au long des années 1960, elle affirme une œuvre picturale truculente, teintée de violence et d’érotisme. Ainsi les séries des Accidental Paintings (1964), des Suicidal Paintings (1965) ou encore la Série noire (1980-1981) exploitent de manière grinçante l’imagerie du fait divers. Elle consacre aussi plusieurs tableaux à des flippers et à des billards, des dispositifs ludiques chargés de connotations sexuelles. En 1968, J. de Jong participe à la conception et à la production des affiches de l’Atelier populaire des Beaux-Arts de Paris.
Après avoir beaucoup oscillé, pour des raisons administratives, entre Paris et Amsterdam, l’artiste s’installe à nouveau dans cette dernière ville en 1971. À défaut d’atelier, elle rend sa peinture mobile, en élaborant Les Chroniques d’Amsterdam (1970-1973), des diptyques qui une fois refermés s’apparentent à des valises. Récit autobiographiques, prises de position politiques et dessins se combinent dans ce qui tient à la fois du reliquaire et du comic strip. Au cours des années 1970, J. de Jong s’implique dans les activités de la galerie Brinkman, aux côtés de Hans Brinkman, son époux jusqu’en 1989. Entre 1986 et 1988, elle peint 28 panneaux, intitulés Upstairs/Downstairs, pour la nouvelle mairie d’Amsterdam.
Dans les années 1990, l’artiste fait l’acquisition avec son compagnon, l’avocat Thomas H. Weyland, d’une maison dans le Bourbonnais. C’est dans cet environnement qu’elle commence, en 2006, à introduire les pommes de terre de son potager dans sa production artistique. Ainsi, avec les Pommes de Jong, elle métamorphose d’humbles tubercules en précieux ornements dorés. Cette production pleine d’humour poursuit une œuvre qui se joue des catégories et des hiérarchies figées pour privilégier la fluidité et les chemins de traverse.
Le Cobra Museum of Modern Art à Amstelveen lui consacre en 2003 une exposition majeure. En 2018 et 2019, le Stedelijk Museum à Amsterdam et le musée Les Abattoirs à Toulouse présentent chacun une rétrospective. En 2012, la Beinecke Rare Book and Manuscript Library, à Yale University, fait l’acquisition des archives de The Situationist Times. La revue est par ailleurs entièrement accessible en ligne. J. de Jong est lauréate en 2019 du prix d’honneur de l’association AWARE.