Morris Catherine, D’Souza, Aruna (dir.), Lorraine O’Grady: Both/And, New York, Art Book, 2021
→O’Grady, Lorraine, Writing in Space, 1973-2019, Durham, Duke University Press, 2020
→Sparling Williams, Stephanie, Speaking Out of Turn: Lorraine O’Grady and the Art of Language, Berkley, University of California Press, 2021
Lorraine O’Grady: Both/And, Brooklyn Museum, Brooklyn, mars – juillet 2021
→Lorraine O’Grady: Initial Recognition, Centro Andaluz de Arte Contemporáneo, Sevilla, septembre 2016 – janvier 2017
→Lorraine O’Grady: Where Margins Become Centers, Carpenter Center, Harvard University, Cambridge, octobre 2015 – janvier 2016
Artiste conceptuelle et performeuse états-unienne.
Lorraine O’Grady est née à Boston, Massachussetts, et obtient un diplôme d’économie et de littérature espagnole au Wellesley College en 1956. Son entrée dans le monde de l’art est peu conventionnelle. L. O’Grady travaille tout d’abord en tant qu’analyste pour les renseignements américains, traductrice professionnelle et critique musicale avant de donner un cours sur Charles Baudelaire et Arthur Rimbaud à la School of Visual Arts (SVA), à New York, pour rendre service à un ami. C’est lors de ce temps passé à la SVA au milieu des années 1970 que L. O’Grady se tourne vers l’art. Elle achève son premier corpus d’œuvres, Cutting Out the New York Times [Découper le New York Times, 1977], une série de collages à base de journaux découpés, en 1977 à l’âge de 43 ans. Trois ans plus tard, L. O’Grady inaugure Mademoiselle Bourgeoise Noire (dite MBN, 1980), sa célèbre performance au cours de laquelle elle incarne une turbulente débutante vêtue d’une robe faite de 180 paires de gants blancs. Lors de ces mises en scène impromptues, MBN brandit un bouquet de chrysanthèmes blancs qui se change en martinet au fur et à mesure que l’artiste distribue les fleurs aux spectateurs et spectatrices. Une fois le martinet révélé, MBN se met à se fouetter en hurlant un poème qui s’achève sur la phrase « BLACK ART MUST TAKE MORE RISKS !!! » (l’art noir doit prendre plus de risques), avant de soudainement quitter les lieux. Critiquant à la fois la ségrégation des lieux d’art à New York et ses confrères·sœurs artistes noir·e·s, MBN fait sa première apparition à la Just Above Midtown Gallery, un centre expérimental destiné aux artistes de performance noir·e·s, lors du vernissage de l’exposition Outlaw Aesthetics [Esthétique hors-la-loi, 1980]. Elle demande aux artistes présent·e·s de faire preuve de plus d’audace et leur reproche de trop s’adapter au public blanc. L. O’Grady interprétera plusieurs autres versions de cette performance à New York, notamment au New Museum, à la Kenkeleba House Gallery (The Black and White Show, 1983), et à l’occasion du défilé annuel de l’Afro-American Day à Harlem (Art is… [L’art est…], 1983).
À ses débuts, L. O’Grady se consacre principalement à la performance. Des œuvres telles que Nefertiti/Devonia Evangeline (1980) et Rivers, First Draft [Rivières, première version, 1982], s’inspirent du vécu de l’artiste en tant que femme noire issue de la classe moyenne et aux origines biculturelles caribéennes, ainsi que de sa riche histoire familiale. D’après l’artiste, ces œuvres sont le reflet d’un concept qu’elle nomme « écriture dans l’espace ».
Après être retournée à Boston de 1983 à 1988 pour s’occuper de sa mère, L. O’Grady fait évoluer sa pratique. Là où celle-ci était auparavant dirigée vers l’extérieur et focalisée sur une critique des institutions, elle se tourne désormais vers une forme plus intériorisée et introspective. Cette évolution marque aussi une cristallisation de son travail conceptuel sous la forme du diptyque – une progression qui reflète également la transition de sa pratique d’une incarnation physique à une œuvre bidimensionnelle destinée à l’accrochage en galerie. Les séries Body Is the Ground of My Experience [Le corps est le fondement de mon expérience, 1991], Miscegenated Family Album [Album de famille métissée, 1980-1994] et Studies for Flowers of Evil and Good [Études pour les fleurs du mal et du bien, 1998] font toutes appel au schéma formel du diptyque afin de produire du sens grâce à de puissantes juxtapositions.
Deux décennies plus tard, à l’occasion de sa participation à l’exposition influente WACK ! Art and the Feminist Revolution en 2007 (Museum of Contemporary Art, Los Angeles), L. O’Grady amorce un nouveau tournant majeur dans sa pratique. Elle se tourne alors vers l’archive comme moyen de ressusciter de manière consciente sa propre pratique artistique oubliée. À cette époque, le développement d’internet permet aux artistes d’acquérir une meilleure visibilité par rapport aux décennies précédentes, et l’utilisation que L. O’Grady fait du web fournit un modèle et un cas d’étude intéressant dans le domaine des archives d’origine numérique et, au sens plus large, des pratiques artistiques en ligne.
L’artiste participe à la Whitney Biennial en 2010 et une grande rétrospective lui est consacrée au Brooklyn Museum of Art en 2021.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring