Barbara Einzig, Thinking about art : conversations with Susan Hiller, Manchester, Manchester University Press, 1996
→Alexandra M. Kokoli (dir.), The Provisional Texture of Reality : Selected Talks and Texts, 1977-2007, Zurich, JRP/ Ringier, 2008
→Susan Hiller, cat. expo. Tate Britain, Londres, 1er février – 15 mai 2011, Londres, Tate Publishing, 2011
Susan Hiller, Tate Britain, Londres, 1er février – 15 mai 2011, Londres
→Susan Hiller, Les Abattoirs, Toulouse, 23 mai – 31 août 2014
Photographe et plasticienne états-unienne.
Après des études, entre autres, d’anthropologie à l’université Tulane à la Nouvelle- Orléans, Susan Hiller travaille d’abord en tant qu’anthropologue, puis obtient son doctorat en 1965. C’est alors qu’elle expérimente le happening, les actions collectives, puis brûle dans ses Hand Grenades (1972), des peintures qu’elle avait réalisées. À la suite de cette attaque contre la peinture, qui prend chez elle une allure de rituel, elle définit sa méthode de travail, procédant à un inventaire de l’ensemble des formes visuelles à sa disposition, tout en faisant écho à plusieurs disciplines : l’ethnographie, l’histoire de l’art, et à plusieurs médiums à la fois – l’image photographique et le film. La mémoire, la psychologie, le récit et l’image constituent les axes principaux de sa recherche, dans laquelle elle adopte simultanément les figures de l’artiste, du critique et de l’ethnologue pour penser sa relation au monde. Son travail est conservé dans de nombreuses collections publiques. Une rétrospective de son travail a eu lieu en 1996 à la Tate Liverpool. Dedicated to the Unknown Artist (1972-1976), l’une de ses réalisations les plus connues, inaugure sa série de travaux ; elle y recense un ensemble de cartes postales touristiques comportant une vague. Dans un entretien donné à Roger Malbert (2007), elle explique que c’est la relation entre les mots inscrits dans les légendes et les images qui l’intéresse. Pour elle, ceux qu’elle nomme les « artistes inconnus », ceux qui réalisent les impressions colorées, sont des femmes. Dans cette série, elle utilise le vocabulaire et le mode de présentation des œuvres minimalistes et conceptuelles, en les combinant avec une esthétique propre au pop art.
À cette époque, sa participation à des groupes de recherche, tels que Dream Mapping, l’amène à penser que « l’art peut fonctionner comme une critique de la culture existante ». En 1972, l’œuvre Sisters of Menon est fondée sur une expérience d’écriture automatique, qu’elle décrit elle-même comme une « méditation sur la multiplicité de la conscience individuelle ». Elle ajoute : « L’identité est une collaboration. » Quatre panneaux en forme de L y entretiennent un mystère, quant à la signification des mots inscrits, ouvrant sur plusieurs directions à la fois. Elle choisit de n’exposer cette œuvre qu’en 1979. Dans les années 1970, son travail, encore lié au minimalisme, illustre la manière dont les éléments d’une œuvre peuvent s’articuler de manière non hiérarchique et non esthétique. Il s’inscrit fondamentalement dans une perspective féministe. Ainsi, S. Hiller se photographie enceinte (Ten Months, 1977-1979) : dix grilles, composées chacune de 28 photographies en noir et blanc, correspondent aux phases de la lune ; les clichés sont accompagnés de notes extraites de son journal à la même période. Rationalité et conscience, principes esthétiques et canons artistiques font partie de ses questionnements. Dans les années 1990, elle installe une œuvre au Freud Museum de Londres, à l’intérieur d’une vitrine située dans la chambre où Freud a séjourné la dernière année de sa vie. Cette œuvre, intitulée From the Freud Museum (1991-1997), consiste en un ensemble de 23 éléments, chacun empruntant sa forme aux boîtes utilisées par les archéologues. Le projet s’est agrandi et en comporte aujourd’hui 50. Elle est inspirée tout à la fois par la collection d’antiquités de Freud et par l’histoire de la psychanalyse. Dans ces boîtes, S. Hiller associe en effet des objets, des photographies, des textes qui constituent des morceaux de ses pièces antérieures, des traces de sa propre mémoire, et différentes sommes d’éléments, destinées à être interprétées de façon diverse par les spectateurs. En 2002, elle réalise The Street Project (2002), une autre œuvre consacrée à la question de la trace et de la mémoire, qui consiste en un inventaire de 303 rues ou chemins, dans lesquels le mot « juif » apparaît dans les campagnes et dans les villes allemandes. Dans la même lignée, Psychic Archaeology (2005) est une installation de deux écrans vidéo, dans laquelle elle s’interroge sur les archétypes et les stéréotypes juifs. Prélever et classer les signes et symboles de cultures anciennes dans Journey to the Land of the Tarahumaras (2008), en corrélation avec l’œuvre d’Antonin Artaud, travailler à partir de photographies présentes dans les collections de la famille Freud (Curiosities, 2005) : le travail de S. Hiller a partie liée avec la notion d’archives, tout en inventant, à chaque œuvre, une poétique parfaitement singulière.