Westerbeck, Colin, Meyerowitz, Joel, Vivian Maier: the Color Work, New York, Harper Design, 2018
→Pamela Bannos, Vivian Maier: a Photographer’s life and afterlife, Chicago, University of Chicago Press, 2017
→Maloof, John, Avedon, Elizabeth, Vivian Maier: Self-portraits, New-York, PowerHouse Book, 2013
Vivian Maier e(s)t son double, musée de Pont-Aven, Pont-Aven, 4 février – 29 mai 2022
→Vivian Maier, New York – Chicago, musée des Beaux-Arts, Quimper, 4 février – 29 mai 2022
→Vivian Maier, musée du Luxembourg, Paris, 15 septembre 2021 – 16 février 2022
Photographe états-unienne.
Vivian Maier naît à New York d’un père d’origine austro-hongroise et d’une mère française, ce qui explique qu’elle séjourne à plusieurs reprises en France dans sa jeunesse. Elle exerce le métier de gouvernante d’enfants dès 1951, d’abord à New York, puis jusque dans les années 1990 à Chicago, où elle s’éteint au printemps 2009.
Toute une vie passée inaperçue jusqu’à la découverte, en 2007, de son corpus photographique : un œuvre imposant, dense, lumineux et brillant, constitué de plus de 120 000 images photographiques, de films Super 8 et 16 mm, d’enregistrements divers, de photographies éparses et d’une multitude de pellicules non développées comme autant de trésors à découvrir. Cette passion qui l’habite, et qui deviendra une activité presque quotidienne, l’élève aujourd’hui au rang des photographes les plus emblématiques de la Street Photography et la fait figurer dans l’histoire aux côtés de Diane Arbus (1923-1971), Robert Frank (1924-2019), Helen Levitt (1913-2009) ou Garry Winogrand (1928-1984).
L’œuvre de V. Maier est parcouru de thématiques récurrentes, qui agissent comme des pondérations et équilibrent son architecture générale, définissant d’emblée et dès ses premières images un vocabulaire, une syntaxe, un langage qu’elle choisit pour raconter son temps. Les scènes de rue – son théâtre de prédilection – et les quartiers ouvriers – là où elle rencontre la vie – constituent la première thématique de son œuvre. Au travers de nombreux portraits d’inconnus auxquels elle s’identifie et à qui elle délivre une fraction de seconde d’éternité en croisant leurs regards, V. Maier fixe un geste, une expression, une situation, la grâce de petites choses accessibles. Et il y a l’univers des enfants qui a été le sien durant si longtemps, et qui est aussi le monde de la liberté où le temps n’existe plus. Elle s’attache aux formes, aux rythmes, aux matières et aux objets trouvés au détour de ses longues promenades.
D’abord en noir et blanc, puis à partir des années 1960 avec la musicalité des couleurs, elle joue des spécificités de cette nouvelle technique pour apporter une variation à sa pratique photographique.
Elle s’essaiera au cinéma, avec sa caméra Super 8 ou 16 mm, comme une tentative de ne plus précipiter le temps mais plutôt de le fixer au rythme de son regard. Ce que V. Maier filme, ce n’est pas une scène, ce sont les déplacements de son regard dans l’espace, à la recherche de l’image photographique.
Au cœur même des thématiques explorées par V. Maier, un enjeu d’importance semble structurer tout son œuvre. C’est celui de la quête de sa propre identité à travers ses autoportraits. Ceux-ci sont nombreux et se déclinent sous de multiples variations et typologies, jusqu’à devenir un langage dans le langage. Une forme de mise en abyme du dédoublement.
Cette insistance à se représenter fait écho à une tradition propre aux femmes photographes et qui remonte au début de l’histoire du médium. Dans le discours qu’il prononce à l’Académie des sciences de Paris le 7 janvier 1839, François Arago présente le daguerréotype, invention majeure et indéniable, en ces termes : « M. Daguerre a découvert des écrans particuliers sur lesquels l’image optique laisse une empreinte parfaite ; des écrans où tout ce que l’image renfermait se trouve reproduit jusque dans les plus minutieux détails avec une exactitude et une finesse incroyables. » Il ajoutera à ce sujet que cette invention rendra un grand service aux arts puisque celle-ci délestera la peinture de sa vocation première, celle de reproduire la réalité.
Ce que F. Arago n’avait pas entrevu, c’est que cette invention allait rendre un grand service aussi aux femmes, qui d’emblée y verront un vecteur de liberté qu’il fallait investir dès son origine. La photographie a été pour V. Maier un espace de liberté, où elle a pu toucher du bout des doigts cette identité qui lui avait été refusée. Elle figure aujourd’hui dans l’histoire de la photographie aux côtés des plus grandes icônes du XXe siècle. Elle est un emblème non seulement pour les femmes mais aussi pour tous les invisibles qui se reconnaissent en elle.