Sally Bonn, Jean-Charles Vergne, Agnès Geoffray, cat. exp., Clermont-Ferrand, Frac Auvergne, 2020
→Jens Emil Sennewald, Before the eye-lid’s laid, Paris, AICA ; Bruxelles, La lettre volée, 2017
→Sophie Delpeux, Philippe Artières, Les Captives, Bruxelles, La Lettre volée éditions, 2015
Arch of Hysteria. Between Madness and Ecstasy, Museum der Moderne, Salzburg, 21 juillet 2023 – 14 janvier 2024
→Agnès Geoffray, exposition monographique, Frac Auvergne, Clermont-Ferrand, janvier – septembre 2020
→Before the eye-lid’s laid, exposition monographique, Centre Photographique d’Île-de-France, Pontault-Combault, 8 octobre – 23 décembre 2017
Artiste plasticienne française.
Agnès Geoffray est diplômée des Écoles des beaux-arts de Lyon et de Paris. En 2002-2003, elle est pensionnaire à la Rijksakademie à Amsterdam et, en 2010, à la Villa Médicis à Rome. À la croisée de la photographie et de l’installation, usant tout autant d’images fixes ou en mouvement, de textes, de projections, d’objets et de performances, son travail se déploie en une multiplicité d’expériences qui sont un défi à l’image et au langage. Défi parce que ce qui traverse toute son œuvre, ce sont les manières de tenir face à la contrainte, qu’elle soit physique, mentale, politique, sociale, et de la retourner : par le corps ou par les mots. Et son œuvre se tient, justement, en état de suspension, à l’endroit de la pliure, de la couture entre les mots et les images, que l’artiste travaille tout autant et indifféremment pour dire les corps, les gestes, les postures, pour dire le langage. Mais celui-ci n’est pas neutre et A. Geoffray expose sa violence et celle de l’histoire sur les corps et les mots, séparés de leur signifiant. Comment silencieusement livrer bataille contre l’oubli ? Comment faire le lien entre les mots et les images ? Comment relier le langage et le corps ? Ces questions traversent invariablement toute l’œuvre d’A. Geoffray. Elles se rencontrent dans différentes séries (Pièces à conviction, Les Messagers) où l’écriture et la photographie s’entremêlent pour donner à voir, faire remonter au jour ce qui ne se dit pas de l’histoire, de la contrainte politique, du pouvoir, par un geste de retournement poétique. C’est le geste qui prend alors la parole.
A. Geoffray manipule les images qu’elle collecte (anonymes ou non), retouche ou conçoit en les mettant en scène, ainsi que les mots qu’elle emprunte ou qu’elle écrit. Dans tous les cas, c’est la main qui fait le lien. Il faut penser l’intelligence de la main, sa puissance poétique et sa capacité de résistance aussi. Aristote le dit bien, elle est à la fois outil et arme. Elle fait ou défait, trace, écrit, mesure, éprouve (série Les Impassibles, 2018). C’est elle qui permet de passer d’un espace à un autre, d’une époque à une autre dans une atemporalité ou une transhistoricité revendiquée. Elle est organe de la sensation. On la retrouve dans plusieurs séries, figurée ou suggérée comme dans Les Élégantes (2018), avec ces gants noirs, enveloppes vides et posées de mains absentes, annotés d’injonctions qui supposent l’action, en attente de gestes.
Avec la série Incidental Gestures (2011), le travail sur des images d’archives est l’occasion d’une réhabilitation qui est déplacement. S’inspirant des photographies retouchées par les régimes totalitaires, A. Geoffray rend leur dignité aux figures victimaires ou, au contraire, rend inquiétante une situation banale. Tout est affaire de métamorphoses et de basculement.
Dans l’ensemble de son travail, A. Geoffray saisit avec précision l’instant avant que les choses basculent. Elle est attentive à en suspendre l’inéluctabilité, laissant planer une autre issue, modifiant la fin d’un geste ou fixant son inachèvement. Entre chute et envol, l’ambivalence des postures des corps représentés ou l’indétermination des gestes n’affirment rien de manière définitive. Le travail de l’artiste s’arc-boute contre la clôture du discours sur le visible. Et, par son attention singulière aux discontinuités, son œuvre joue de la violence et de la tension dans ce qu’elle nomme elle-même un « suspense catastrophique ».
Le travail d’A. Geoffray est exposé en France et à l’étranger. Il est présent dans de nombreuses collections, comme, à Paris, le Centre Pompidou (MNAM), le musée de l’Élysée, la Fondation Antoine de Galbert et la collection Neuflize OBC, le MACVAL à Vitry-sur-Seine et le FRAC Auvergne à Clermont-Ferrand.
Une notice réalisée dans le cadre du programme +1.
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