Rose Barbara (dir.), Lee Krasner: A Retrospective, cat. expo., Museum of Modern Art, New York (20 décembre 1984 – 12 février 1985), New York, Museum of Modern Art, 1983
→Landau Ellen G., Lee Krasner: A Catalogue Raisonné, New York, Abrams, 1995
→Levin Gail, Lee Krasner: A Biography, New York, William Morrow, 2011
Lee Krasner: A Retrospective, MoMA, New York, 20 décembre 1984 – 12 février 1985
Peintre états-unienne.
Née à Brooklyn d’une famille d’immigrants russes, Lee Krasner a étudié à la Women’s Art School of Cooper Union, puis à la National Academy of Design. En 1934, engagée comme artiste indépendante au Public Works of Art Project, elle participe à la section de peinture murale du Federal Art Project. De 1937 à 1940, elle poursuit ses études à la Hans Hofmann School of Fine Arts, où son professeur, H. Hofmann, l’encourage dans son choix d’une abstraction lyrique, basée sur une utilisation de la couleur, malgré son intérêt précoce pour la peinture réaliste et surréaliste. Elle est également influencée par John Graham et son System and Dialectics of Art (1937), notamment à travers ses réflexions sur l’art primitif, l’inconscient et l’écriture automatique. En 1941, elle rencontre Jackson Pollock ; ils font alors partie de la première génération des expressionnistes abstraits et se marient en 1945. L. Krasner est décrite comme une personnalité non conventionnelle et indépendante. À ses débuts, elle gagne sa vie en tant que décoratrice de chapeaux et de porcelaine. Sa première exposition individuelle a lieu à la galerie Betty Parsons à New York ; le Whitney Museum lui consacre une rétrospective en 1973. Le Metropolitan Museum of Art possède aujourd’hui un nombre important de ses toiles et collages. L. Krasner a refusé d’être identifiée en tant que peintre de séries. Ses œuvres sont reconnaissables par leur style, leur rythme et leur mouvement, l’utilisation de la couleur, et par leur imagerie à la fois florale et organique ; elles ont partie liée avec l’ornement, sans pour autant concéder au décoratif ; elles se caractérisent par un usage gestuel du pinceau et une texture très riche des surfaces. Dans Little Image Paintings (1946-1950), série intimiste peinte sur sa table de travail, dans laquelle elle développe sur le mode de l’improvisation une manière all over, elle tend à s’écarter des procédés classiques de la peinture de chevalet.
Dès 1949, ses peintures se structurent de plus en plus autour de l’utilisation de multiples carrés colorés et de signes imbriqués les uns à côté des autres. En 1947, le critique d’art Clement Greenberg présente à L. Krasner et J. Pollock le travail de Miró. Le peintre surréaliste n’est pas une référence consciente pour elle, mais son utilisation de matériaux variés, tels que le bois et le masonite, ainsi que les supports non conventionnels de sa série de collages peints en 1954-1955, sont difficilement envisageables sans l’apport de Miró. L. Krasner exploite les propriétés de la surface et du support : une tension spatiale émane de tous ses travaux, dont plusieurs, à partir de 1946, évoquent les « plus et moins » de Mondrian. Sa peinture des années 1950 oscille entre une tendance expressionniste et une veine de l’abstraction géométrique. À la fin de la décennie, elle recommence à utiliser des éléments de collage, comme sur ses œuvres de la fin des années 1930 ; elle y développe un style expressionniste, lié aux ornements propres à Matisse. Deux chefs-d’œuvre sont peints au cours de cette période : Blue and Black, une huile sur toile (1951-1953) et Bird Talk (1955), dont les tons rouges et orange évoquent directement le peintre. Dans le même temps, elle revient régulièrement à une structure qui évoque les tableaux cubistes. En 1960, elle réalise notamment Celebration et Polar Stampede, des toiles de grand format ; elle y travaille la forme des volutes et produit un rythme de lignes qui semblent danser. À partir du milieu des années 1960 son art atteint la maturité : le tracé d’une profusion de demi-cercles, les diagonales dessinées structurant la toile deviennent des éléments récurrents dans son travail (Portrait in Green, 1966 ; Gaea, 1966), la scansion des toiles étant rendue plus étonnante encore du fait de l’utilisation d’une seule ou de deux couleurs. Le lien de sa production avec celle de J. Pollock est presque systématiquement souligné. Elle-même a fondé une bourse Pollock-Krasner. Pourtant, loin d’être assimilée à l’œuvre de celui-ci, sa peinture, qui développe une abstraction inspirée de la nature et des formes de l’inconscient, doit être regardée comme une œuvre moderniste forte, empreinte d’un style véritable, associant nombre de sources très diverses, telles que les frises attiques, les manuscrits enluminés celtes, la calligraphie islamique, mais aussi la tradition européenne de la peinture.