Schaschl-Coope Sabine (dir.), A forgotten Maverick : Marlow Moss, Berlin, Hatje Cantz Verlag, 2017
Marlow Moss, Stedelijk Museum Amsterdam, 30 mars – 30 avril 1962
→Marlow Moss 1889–1958, Tate St Ives, 2013
Peintre et sculptrice britannique.
Issue de la grande bourgeoisie britannique, Marlow Moss travaille le piano avant d’être atteinte de tuberculose. Après sa guérison, elle se tourne vers la danse et le mouvement. Son tuteur – elle est orpheline de père – lui promet les meilleurs professeurs, si elle consent à pratiquer les arts en amateur. Première rébellion : elle intègre la St John’s Wood School of Art, puis, après sa rupture définitive avec le milieu familial, étudie à la Slade School of Fine Art (1917- 1919), avant de se retirer en Cornouailles. De retour à Londres, elle se rase les cheveux, troque ses habits de femme contre une garde-robe masculine et adopte un prénom d’homme. Elle devient ainsi une nouvelle personne, dont le « costume dit à l’homme : “Je suis ton égale” », selon la formule de Madeleine Pelletier (La Suffragiste, no 46, 1919). M. Moss s’absorbe dans un apprentissage autodidacte à la bibliothèque du British Museum : elle lit Rimbaud et Nietzsche, regarde les œuvres de Van Gogh et de Rembrandt. À son arrivée en France en 1927, elle a 37 ans ; sur une photographie – très souvent publiée sans mentionner son nom –, elle porte une cravate, tient une cigarette, arbore une coupe de cheveux plaqués très courte, dégageant un visage sans fard. En peinture, elle choisit la voie de l’abstraction. Élève de l’Académie moderne, sous l’égide de Fernand Léger et d’Amédée Ozenfant, elle est transportée par la vision directe d’un tableau de Piet Mondrian. Elle rencontre le peintre deux ans plus tard ; les deux artistes semblent avoir communiqué de 1929 à 1938.
M. Moss aurait produit sa première peinture néoplastique en 1929 : deux lignes se coupent à angle droit sur un fond blanc. P. Mondrian ne lui ayant jamais révélé sa technique picturale, elle aurait utilisé une méthode toute personnelle pour la réadopter. En 1930, elle invente un premier « écart » quant à la grille verticale-horizontale qu’elle juge trop statique : une ligne double. Les historiennes ont noté que ces compositions apparaissent dans l’œuvre de P. Mondrian deux ans plus tard. Par la suite, l’artiste fait peu à peu disparaître la structure pour n’exploiter au final que la luminosité maximale du blanc, combinant dans ses monochromes différentes sortes de toiles afin d’obtenir des œuvres blanches en relief. Elle y ajoute parfois des lignes de fil peint en blanc, puis de corde à l’état brut, éléments qui expriment la tension à la place de la couleur. Membre des Surindépendants puis du groupe Abstraction-Création, elle se livre à ses expérimentations dans son atelier-phalanstère immaculé de Gauciel (dit le château d’Évreux), où, avec sa compagne Antoinette H. Nijhoff, elle accueille des artistes de passage. Ce lieu sera bombardé pendant la guerre, et tout son contenu, perdu. En 1939, M. Moss se trouve en Hollande ; l’année suivante, l’invasion allemande l’oblige à fuir en bateau vers l’Angleterre, où, sans famille, se sentant étrangère, elle se force à suivre des cours d’architecture qui éveillent en elle un intérêt pour la sculpture. Par ailleurs, sa rencontre avec un ingénieur du génie maritime va lui permettre de travailler des structures de métal. Aménageant à Penzance un petit atelier de charpentier, elle tente, après la guerre, de réitérer une partie de ses travaux de recherche disparus. Des expositions de son vivant (Hanover Gallery, Londres, 1953) puis après sa mort (Stedelijk Museum, Amsterdam, 1962) s’attachent à lui restituer l’autonomie d’une pensée plastique, dont Germaine Greer soulignera l’influence sur l’art britannique. Cependant, l’œuvre de M. Moss n’est toujours pas inscrite au tableau d’honneur des mouvements abstraits de l’entre-deux-guerres.