Critique

Qui a peur des femmes photographes ? au musée de l’Orangerie

22.10.2015 |

Christina Broom, Jeunes suffragettes faisant la promotion de l’exposition de la Women’s Exhibition de Knightsbridge, 1909, épreuve photomécanique, © Christina Broom/Museum of London

C’est la question que se posent deux expositions réévaluant l’importante contribution des femmes à cette pratique artistique, l’une au musée de l’Orangerie (1839-1919), l’autre au musée d’Orsay (1918-1945).

Qui a peur des femmes photographes ? au musée de l’Orangerie - AWARE Artistes femmes / women artists

Ruth Bernhard, Doll, 1938, tirage de 1974, tirage argentique, 17,78 x 18,42 cm, © Trustees Princeton University © Digital Image Museum Associates/LACMA/Art Resource NY/Scala, Florence

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Frances Benjamin Johnston, Self Portrait, vers 1890, Library of Congress, Prints and Photographs Division, Washington

C’est un grand bonheur de découvrir, à travers un nombre impressionnant de clichés datant des tous débuts de l’invention de la photographie jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, que la capacité des femmes, dans la pratique de ce nouveau medium, atteint un degré de maîtrise et d’accomplissement égal à celui des hommes. On n’en doutait pas, mais la visibilité de leur production, souvent méconnue, rend la démonstration plus forte. Dès l’apparition des premiers daguerréotypes, aristocrates et des bourgeoises adoptent la photographie. Elles en apprennent les différentes techniques – daguerréotype, calotype, cyanotype –, invente de nouveau procédés, développent elle-même leurs clichés, font les retouches. Pour les plus fortunées, c’est un moyen d’épanouissement créatif qui leur permet de rompre leur isolement, trouvant là l’occasion d’exister en dehors des obligations domestiques et familiales, de s’affirmer en tant que sujets capable d’observer, de juger et de transmettre. Pour d’autres, c’est une activité lucrative qui leur permet d’acquérir une certaine indépendance. Contrairement à la pratique des Beaux-arts qui confine la peinture des femmes à la sphère privé, les Sociétés professionnelles et amateurs de la photographie, surtout dans les pays anglo-saxons, leur ouvrent les bras. Elles s’y précipitent, montrant leurs réalisations dans les différents salons, expositions, publications, organisés par ces sociétés.

Mais la photographie est pour beaucoup d’entre elles une pratique collective qu’elles exercent entre femmes, suscitant une nouvelle solidarité féminine : « Je pense qu’il est du devoir de toute femme photographe d’aider une autre femme. Chaque fois que c’est possible, en puisant dans son réservoir d’expériences concrètes. Il est plus que jamais en son pouvoir de montrer de quoi elle est capable. » affirme Catherine Weed Barnes en 1890.

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S. Hoare, Indigène des Marquises, 1880-1885, épreuve sur papier albuminé, © musée du Quai Branly – Jacques-Chirac/Photo Scala, Florence

Très actives, les femmes produisent beaucoup, consignant leurs réalisations dans des albums photographiques (Anna Atkins), réalisant les premiers photocollages de l’histoire de la photographie (Georgina Louisa Berkeley). Elles expérimentent tous les modes de représentation, portrait, autoportrait, paysages, tableaux vivants, allégories, imposant par là leur propre vision de la féminité, de la maternité, de la virilité, du couple et de la famille. Elles interrogent la féminité et les rôles sexuels, immortalisant des jeux de travestissement (Alice Austen, Julia Martin, Julia Bredt, habillée en homme, 1891 ; Frances Benjamin Johnston, Autoportrait en travestie vélocipédiste, 1890-1900). Elles font leurs premières incursions dans le genre du nu (Imogen Cunningham, Autoportrait en nu, 1906), genre encore interdit aux femmes, dans la pratique des beaux-arts.

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Christina Broom, Jeunes suffragettes faisant la promotion de l’exposition de la Women’s Exhibition de Knightsbridge, 1909, épreuve photomécanique, © Christina Broom/Museum of London

Petit à petit, l’activité des femmes photographes se professionnalise. Elles ouvrent des studios spécialisés dans le portrait et s’imposent dans le photoreportage. Elles s’aventurent alors non sans mal, dans les territoires virils de la guerre, des expéditions ethnographiques rassemblant à travers leurs images de nombreux témoignages sur les questions des minorités sociales ou ethniques, de l’éducation, des drames de la Première guerre mondiale. L’exposition du musée de l’Orangerie se termine par des photographies de Christina Broom montrant des suffragettes militant en 1909 pour le droit de vote des femmes, un regard de femmes sur une lutte pour l’émancipation des femmes.

L’exposition du musée d’Orsay fera l’objet d’un autre article.
Au musée de l’Orangerie du 14 octobre 2015 au 24 janvier 2016

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