Critique

« Alice Neel, peintre de la vie moderne » à Arles

10.08.2017 |

Alice Neel, Jackie Curtis et Ritta Redd, 1970, huile sur toile, 152,40 x 106,40 cm, © Droits réservés

Avec cette première rétrospective d’Alice Neel (1900-1984) sur le sol français, la fondation Vincent Van Gogh à Arles offre l’occasion de découvrir à travers soixante et onze toiles l’œuvre de l’artiste américaine, méconnue dans l’Hexagone.

« Alice Neel, peintre de la vie moderne » à Arles - AWARE Artistes femmes / women artists

Alice Neel dans son appartement de Spanish Harlem, vers 1940, © Estate Alice Neel, © Photo : Sam Brody

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Alice Neel, Andy Warhol, 1970, huile et acrylique sur toile de lin, 152,4 x 101,6 cm, © Photo : Whitney Museum of American Art, New York

Alice Neel a placé le portrait au cœur de son travail. Son souhait ? Donner une importance primordiale au corps des modèles, bousculant les frontières entre la sphère publique et l’intime. Pour elle, le corps est en effet le lieu même de l’expérience et du vécu : la position d’une main, une attitude décontractée ou introvertie, une poitrine dénudée, les plis d’une veste ou un maquillage appuyé deviennent sous son pinceau extraordinairement expressifs et vivants.

Après un séjour de deux ans à La Havane, Neel vit entre New York et Philadelphie, avant de s’installer durablement à Spanish Harlem, au nord de Manhattan, en 1938. Confrontée chaque jour à la misère des classes populaires et à sa propre précarité, elle fréquente les milieux communistes. Son œuvre, marqué par cet engagement politique – à l’exemple de T.B. Harlem (1940), portrait de son beau-frère atteint de tuberculose, ou de la poignante Famille espagnole (1943) –, subit aussi l’influence des expressionnistes allemands comme Max Beckmann ou Otto Dix pour qui, et ce n’est pas un hasard, la critique sociale est une question centrale.

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Alice Neel, Julie enceinte et Algis, 1967, huile sur toile, 107,6 x 161,9 cm, © Estate Alice Neel, © Photo : Malcolm Varon, New York

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Alice Neel, Jackie Curtis et Ritta Redd, 1970, huile sur toile, 152,40 x 106,40 cm, © Droits réservés

Au tournant des années 1950, la palette de Neel, jusqu’alors très terreuse, s’éclaircit au profit de tons acides, largement brossés (Julie enceinte et Algis, 1967). Cette mutation correspond à son emménagement dans un appartement plus lumineux de l’Upper West Side, quartier cosmopolite près de l’université de Columbia, apprécié de la bohème. À la même époque, le premier article d’importance consacré à son travail paraît dans la revue ARTnews. Elle côtoie désormais une certaine scène new-yorkaise, composée d’historiens de l’art, de critiques, d’étudiants, de travestis (Jackie Curtis et Ritta Redd, 1970) et d’artistes (Andy Warhol, 1970), qu’elle fait poser tour à tour. Son étude de la condition féminine dans des portraits de femmes enceintes ou de mères de famille (Ginny et Elizabeth, 1975) attire bientôt l’attention des féministes qui voient en elle une pionnière ; si elle n’approuve pas la radicalité de leur discours, elle accepte toutefois d’apparaître comme l’une de leurs figures tutélaires.

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Alice Neel, Ginny et Elizabeth, 1975, huile sur toile, 106,7 x 76,2 cm, © Estate Alice Neel, © Photo : Ethan Palm

L’exposition, une réussite, dévoile la richesse de l’œuvre d’Alice Neel – les morceaux de peinture que constituent les tableaux des années 1960-1970 se révèlent être particulièrement captivants. Un bémol cependant : imposé par des contraintes muséographiques, le parcours s’ouvrant sur les œuvres les plus récentes pour s’achever avec les travaux de jeunesse trouble la compréhension des choix esthétiques d’une femme restée à l’écart des modes et des querelles de chapelle.

À fondation Vincent Van Gogh, Arles (France), du 4 mars au 17 septembre 2017.

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