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Publiés le 01.06.2023

Faire œuvre

Le comité scientifique

Introduction

Cet ouvrage fait suite à la tenue d’un colloque international pluridisciplinaire organisé les 19 et 20 septembre 2019 au Centre Pompidou et au musée d’Orsay, à Paris, en partenariat avec l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions). Intitulé Faire œuvre. La formation et la professionnalisation des artistes femmes aux XIXe et XXe siècles, le colloque entendait dresser un état actuel de la recherche sur l’accession des artistes femmes aux structures d’enseignement, en France et à l’étranger, qu’il s’agisse des ateliers, des académies privées ou des écoles publiques.

Les femmes ont longtemps été exclues de l’enseignement artistique institutionnel. Il faut attendre le XIXe siècle pour qu’elles soient admises à étudier le dessin, la peinture ou la sculpture dans les écoles les plus prestigieuses. Cette exclusion n’est pas sans conséquence sur la carrière professionnelle d’un grand nombre d’entre elles, les tenant à l’écart de réseaux et d’opportunités telles que les acquisitions ou les commandes officielles. Pour les périodes plus anciennes, les études en histoire de l’art ont montré comment l’entourage familial a été déterminant dans l’accession au métier d’artiste. L’ouverture aux femmes d’ateliers et d’écoles est un phénomène d’abord restreint. Citons à titre d’exemple le cas français : l’École gratuite de dessin pour les jeunes personnes, fondée en 1803, est alors la seule école d’art à financement public pour les femmes à Paris. Après une longue bataille d’opinion en faveur de l’égalité, l’École nationale des beaux-arts de Paris ne leur ouvre ses portes qu’en 1897, symbole de l’accès officiel des femmes à la profession. Des différences de traitement y perdurent cependant : elles devront encore attendre 1903 pour être autorisées à se présenter au prix de Rome et ne bénéficieront jusqu’à la fin des années 1920 que d’un seul atelier non mixte au sein des Beaux-Arts.
L’histoire de cette lente conquête, fruit d’engagements individuels et collectifs, s’inscrit dans le cadre plus large de la lutte pour l’éducation des femmes dans tous les domaines. Dans le champ artistique, les multiples obstacles et réticences rencontrés s’avèrent peut-être plus prégnants encore, selon un puissant clivage qui veut que la création serait du côté des hommes tandis que les femmes seraient vouées exclusivement à la procréation.

Croisant des données biographiques et familiales avec des perspectives sociales, économiques et politiques liées au statut des femmes dans la société, les contributions réunies ici visent à cartographier les lieux clés de cette histoire, à retracer des trajectoires artistiques individuelles et à identifier des dynamiques pédagogiques collectives. L’étude des modalités et de la nature des enseignements offerts aux femmes soulève de nombreux questionnements : l’impact des cours mixtes ou séparés, l’enjeu du tarif ou de la gratuité, la question de la convenance à travers l’enseignement d’après le modèle vivant nu, les spécificités de genre par discipline, associant par exemple traditionnellement les arts appliqués à la sphère féminine, etc. Au-delà des contenus pédagogiques, ces recherches rappellent combien le temps de l’apprentissage artistique s’avère décisif dans le début d’une carrière, par les réseaux amicaux et professionnels qu’il fédère, par les perspectives d’expositions ou de commandes qu’il fait naître.

L’ouvrage s’ouvre sur la formation des femmes aux arts appliqués. Renaud d’Enfert dresse un panorama des écoles de dessin ouvertes aux jeunes filles au XIXe siècle en France, soulignant leur finalité à la fois morale et économique. La dimension sociale de la formation au dessin s’incarne dans la figure de Marie-Élisabeth Cavé, autrice d’ouvrages d’enseignement artistique, présentés par Luciana Lourenço Paes. La place des femmes à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, quant à elle, fait l’objet d’une étude approfondie, dans une perspective historique, par Lucile Encrevé.
Le deuxième chapitre aborde la mixité dans les écoles de beaux-arts. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le succès des formations privées attise les débats sur le rôle de l’enseignement public. L’accès des femmes à l’École nationale des beaux-arts de Paris marque l’aboutissement d’une véritable guerre de tranchées menée par l’Union des femmes peintres et sculpteurs et de ses allié·e·s, longue lutte féministe que retrace Catherine Gonnard dans son essai. Soulignant le rôle de certains alliés masculins, Wendy Wiertz évoque le soutien des hommes pour l’égalité des chances au sein de l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles à la fin du XIXe siècle. De son côté, Georgina G. Gluzman aborde le contexte argentin des années 1930 et 1940 à partir de l’histoire de l’École supérieure des beaux-arts de Buenos Aires, qui se distingue de l’École nationale des beaux-arts par la mixité de ses enseignements et devient un espace de formation privilégié pour de nombreuses artistes.
Les contributions suivantes privilégient une étude comparée de la situation dans plusieurs pays d’Europe, articulant histoire sociale et approche spatiale. Du lieu de naissance aux villes de formation et de création, la variété des parcours évoqués témoigne de l’importance des circulations transnationales. Dans cette cartographie, Paris tient une place de choix, où les académies et ateliers privés jouent un rôle précurseur. C’est le cas de l’académie Vitti, ouverte de 1889 à 1914, évoquée par Maria Antonietta Trasforini – l’une des trois écoles italiennes ouvertes aux femmes dans la capitale française, qui a pour spécificité d’être dirigée par des modèles. Linda Hinners retrace les itinéraires cosmopolites de plusieurs sculptrices suédoises au tournant du XXe siècle et Ewa Bobrowska s’attache au cas des artistes polonaises, partagées entre Paris et Munich. L’atelier du peintre André Lhote, étudié par Fanny Drugeon, devient dans l’entre-deux-guerres un passage incontournable à Paris, fréquenté majoritairement par des femmes, dont nombre d’étrangères.
Placé sous le signe de la sororité, le quatrième chapitre réunit des études de cas soulignant l’importance de la solidarité dans les pratiques de transmission entre femmes. Les lieux d’apprentissage constituent alors des vecteurs de sociabilité et d’émancipation, en dehors des parcours conventionnels. Heather Belnap revient sur les réseaux d’artistes américaines qui, des années 1890 aux années 1940, se forment à Paris avant de poursuivre leur carrière aux États-Unis, où elles œuvrent au développement des structures artistiques. Samantha Niederman, elle, met en avant la figure de Frances Hodgkins : cette peintre néo-zélandaise, première femme professeure de l’académie Colarossi, valorise les qualités propres à chacune de ses élèves dans sa pédagogie. Ana Bordenave évoque quant à elle les ateliers Super-8 développés par le duo d’artistes grecques Klonaris/Thomadaki dans les années 1980, espaces de formation militants féministes.
Le dernier chapitre explore des parcours individuels, analysant les choix d’apprentissage des artistes et leur carrière. Les voyages en France de la peintre de paysage Eliza Pratt Greatorex sont étudiés par Katherine Manthorne comme autant de jalons dans sa formation et l’évolution de son style. Yelin Zhao retrace le cursus artistique de Victorine Meurent, étudiant ses aspirations et les obstacles rencontrés dans sa carrière de « modèle-artiste ». Enfin, Émilie Bouvard expose la trajectoire singulière de Louise Bourgeois, passée par de nombreuses académies parisiennes avant de rejoindre New York en 1938. En complément de ces études historiques, l’artiste Béatrice Casadesus, en entretien avec Scarlett Reliquet, porte un regard personnel rétrospectif sur son parcours, de sa vocation à ses premiers pas en tant qu’artiste et professeure.

La richesse de ces communications et des débats stimulants qu’elles ont suscités durant les deux journées de colloque atteste l’importance de ces thématiques de recherche, sources d’informations précieuses sur le parcours des créatrices, qu’elles soient connues ou oubliées. Gageons que cet événement et cet ouvrage ouvrent des perspectives de travail et de collaboration fructueuses dans la relecture critique des canons établis et la réévaluation de la place des artistes femmes dans l’histoire de l’art.

Le comité scientifique

 

Colophon

Cet ouvrage fait suite au colloque international pluridisciplinaire Faire œuvre. La formation et la professionnalisation des artistes femmes aux XIXe et XXe siècles organisé les 19 et 20 septembre 2019 au Centre Pompidou et au musée d’Orsay, à Paris, en partenariat avec l’association AWARE.

Comité scientifique
Hanna Alkema,
Sabine Cazenave,
Ariane Coulondre,
Alexia Creusen,
Sophie Eloy,
Nathalie Ernoult,
Thomas Galifot,
Leïla Jarbouai,
Camille Morineau,
Nicole Myers,
Sylvie Patry,
Scarlett Reliquet,
Anne Rivière,
Séverine Sofio,
Matylda Taszycka,
Fanny Verdier,
Julie Verlaine
et Charlotte Foucher Zarmanian

Direction d’ouvrage
Sibylle Vabre
avec Matylda Taszycka (AWARE)

Coordination éditoriale
Sibylle Vabre

Relecture
Sandra Pizzo
et Bronwyn Mahoney

Conception graphique et mise en page
Lisa Sturacci
avec Pia Philippe

Traduction
Lucy Pons

Iconographie
Consuelo Crulci-Perrois
avec le soutien de Clarisse Deubel (Centre Pompidou)

Édition
AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions

Soutiens
Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Fonds de dotation Elysées Monceau.
Cet ouvrage a bénéficié d’une aide de l’ANR au titre du programme Investissement d’avenir (ANR-17-EURE-0008).
Cet ouvrage a bénéficié du soutien du musée d’Orsay.
Cet ouvrage a bénéficié du soutien du Centre Pompidou.

AWARE
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Archives
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