Clément Dirié (dir.), Isabelle Cornaro, Genève, JRP | Éditions, 2023
→Julie Enckell et Isabelle Cornaro, La Fascination et le Dégoût de la matière / The Fascination with the Material and the Aversion to It, Zurich, Scheidegger & Spiess / SIK-ISEA, 2023
→Isabelle Cornaro, A Sort of Commercial Eroticness, Paris, Fondation Pernod Ricard, 2021
Mother, Laws, Matter, Fondazione Giuliani, Rome, 22 mars-29 juin 2024
→L’Intervalle des images, musée de l’Orangerie, Paris, 2 juin-6 septembre 2021
→This Morbid Roundtrip from Subject to Object, LAXART, Los Angeles, 11 janvier-22 février 2014
Artiste française.
Colliers, roches, textiles, métaux, pièces de monnaie, gemmes et masques : le travail d’Isabelle Cornaro s’appuie sur des collections d’objets, vrais ou faux, précieux ou en toc, présentés avec soin ou bien reproduits sous forme de moulages et d’empreintes, quand ils n’apparaissent pas sur des photographies ou dans des films. En suspendant leur circulation et en figeant leur matérialité, tantôt étrange et séduisante, tantôt grotesque et dérisoire, l’artiste force le regard à s’arrêter : d’où vient le plaisir que ces choses peuvent susciter ? Quelles forces gouvernent leurs trajectoires ? De quels échanges ces objets ont-ils pu être les sujets ?
Les questions qui sous-tendent la démarche d’I. Cornaro renvoient à l’histoire de l’art et à l’histoire culturelle autant qu’à l’esthétique et à l’anthropologie, tout en s’inscrivant dans une réflexion sur les catégories d’exposition et de collection, d’objet et d’œuvre d’art. Une démarche initiée dans les années 2000, après des études à l’École du Louvre et à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Le travail d’I. Cornaro est alors présenté aux côtés de celui d’une génération d’artistes marqué·e·s par l’art conceptuel et les expériences d’exposition issues des années 1990, mais son rapport à l’objet pose déjà des enjeux spécifiques. Savane autour de Bangui et le fleuve Utubangui (2003-2007), série de photographies où des bijoux dessinent un relevé cartographique, figure l’exploitation coloniale mais porte aussi une part autobiographique, l’artiste ayant vécu enfant en Centrafrique. Dans l’installation Paysage avec Poussin et témoins oculaires (2008), des bibelots, instruments de mesure et textiles disposés sur des socles reprennent la perspective d’un tableau de Nicolas Poussin (1594-1665) : une construction élaborée rappelant la complicité entre représentation picturale, goût de la collection et ordre impérialiste. Cette œuvre inaugure la série des Paysages, où l’approche réfléchie de l’installation permet d’« abstraire » les formes des objets tout en mettant en lumière leurs connotations.
I. Cornaro réalise également des films en 16 mm, où des panoplies d’objets sont mises en scène selon des principes hérités du cinéma expérimental. Cependant, elle peut aussi convoquer un imaginaire horrifique dans des films comme Subterranean (2017-2019), où corps et objets dégoulinent de sang, ou Paroxysme (2021), qui intègre des séquences de dessin animé de science-fiction. Le film Floues et colorées (2010) est pour sa part le point de départ d’une série de peintures abstraites, Reproductions (2010-en cours) : réalisées au pistolet, sur toile ou directement sur le mur, celles-ci reprennent les nuances colorées des photogrammes. Les bâches utilisées pour protéger un lieu d’exposition pendant la réalisation in situ de Reproductions en 2015 deviennent à leur tour les pièces inaugurales de la série des Golden Memories (2015-2022), les pans de moquette constellés de gouttes de peinture prenant une nouvelle valeur. Entre intuition et méthode, l’artiste développe ainsi une démarche à la fois sensible et critique, qui s’affirme dans des expositions comme L’Intervalle des images au musée de l’Orangerie, à Paris (2021), où des moulages d’objets industriels et exotiques du XIXesiècle (Streams III, 2021) dialoguent avec les Nymphéas de Claude Monet (1840-1926), et Sunset au Ludwig Museum de Coblence (2021), rassemblant ses films dans la demi-obscurité des galeries d’exposition.
I. Cornaro est par ailleurs Advisor à la Rijksakademie d’Amsterdam depuis 2015 et professeure à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris depuis 2023. Lauréate du prix de la Fondation d’entreprise Ricard en 2010 – prix dont elle est commissaire invitée en 2016 –, elle a été nommée pour le prix Marcel Duchamp en 2021.
Une notice réalisée dans le cadre du programme +1.
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