Claire Vasarely : une vie dans la couleur, cat. d’exp., Fondation Vasarely [14 juin 2025 – 15 février 2026], Milan, Silvana editoriale, 2025, Commissariat : Valérie Da Costa
→Roger van Gindertaël, « Tapisseries de Claire », Art d’aujourd’hui, n°5, juin 1952, p. 30
→Katalin Bakos, Bortnyik Sándor és a Műhely. Bortnyik Sándor tervezőgrafikai munkássága (1914 – 1947) és a „magyar bauhaus” (1928 – 1938) [Sándor Bortnyik et l’Atelier. L’œuvre graphique de Sándor Bortnyik (1914 – 1947) et du « Bauhaus hongrois » (1928 – 1938)], Budapest, L’Harmattan, 2018
Claire Vasarely – Une vie dans la couleur, Fondation Vasarely, Aix-en-Provence, 14 juin 2025 – 15 février 2026
→CLAIRE. Tapisseries récentes, Galerie La Demeure, Paris, 1952
→CLAIRE. Tapisseries d’Aubusson et Miniatures, Galerie René Drouet, Paris, 1949
Peintre, graphiste et designeuse textile franco-hongroise, cofondatrice de la Fondation Vasarely (Aix-en-Provence).
Au sein du riche paysage artistique du xxe siècle, le nom de Klára Spinner (Claire Vasarely), n’a pas encore toute la reconnaissance qu’il mérite, surtout au vu de la renommée de son mari, Victor Vasarely (Győző Vásárhelyi, 1906-1997), célébré comme le père de l’op art et de l’art cinétique. Comme s’en souvient leur petit-fils, Pierre Vasarely, président de la Fondation Vasarely, « Győző et Bonzi » vivaient pourtant dans une union artistique, chacun influençant le développement créatif de l’autre. À ce titre, certains des motifs textiles que C. Vasarely réalise sont ainsi considérés comme les premiers exemples de l’op art, ce que reconnaît V. Vasarely lui-même, en raison de leur usage novateur du motif sériel, des formes géométriques et des contrastes de couleurs qui anticipent nombre des effets optiques caractéristiques de ce mouvement. Son œuvre incarne une synthèse harmonieuse du modernisme du Bauhaus, du surréalisme et de l’art optique, et s’inscrit de ce fait dans le mouvement croissant de reconnaissance des artistes femmes de l’abstraction.
C. Vasarely développe une vision artistique singulière à partir de ses études au Műhely [L’Atelier] en 1929 – une école d’art hongroise inspirée du Bauhaus de Weimar, fondée par Sándor Bortnyik (1893-1976) – et de l’activité de sa famille dans la mode et le design textile. La maison Neubauer-Spinner, à Budapest, est en effet l’une des rares maisons de mode à apporter la haute couture depuis Paris vers la Hongrie. C. Vasarely grandit dans un environnement où s’entrecroisent art et design commercial. Au Műhely, elle excelle dans le graphisme, la gravure, le photomontage, la théorie de la couleur et la typographie. Ses premiers travaux – publicités, affiches et dessins de mode – sont montrés dans de nombreuses expositions (Salon national) à Budapest dès la fin des années 20 dont l’Exposition du livre et de la publicité qui a lieu en 1930 au musée des Arts décoratifs de Budapest.
En 1931, C. Vasarely émigre en France où elle rejoint V. Vasarely. Ils s’y marient cette même année et gagnent leur vie grâce aux arts appliqués. C. Vasarely se spécialise dans le graphisme, elle travaille pour la maison d’édition Tolmer et dessine des illustrations, des couvertures de livres et des publicités qui témoignent de l’inspiration Bauhaus de sa formation. Entre 1930 et 1932, elle crée aussi des motifs textiles pour l’industrie de la soie lyonnaise, notamment pour l’entreprise Ducharne.
Le tumulte de la Seconde Guerre mondiale affecte profondément la vie et l’œuvre de C. Vasarely. Juive, l’artiste est contrainte de quitter Paris en 1942. Elle retourne avec ses fils à Budapest pour échapper à l’occupation nazie. Malgré les difficultés, elle travaille de manière continue dans l’entreprise de chapellerie et de mode de sa famille. Elle canalise sa créativité en exerçant comme modiste et journaliste de mode, usant de ses compétences artistiques pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle écrit aussi des articles sur la mode parisienne qui paraissent parfois avec ses illustrations dans des journaux et des magazines (Esti Kurír, Film Színház Irodalom...). Ses publications, témoignent de son talent d’observatrice culturelle et de chroniqueuse visuelle.
En 1944, C. Vasarely retourne en France et recentre sa carrière sur le design textile et la tapisserie. En 1947, elle commence à travailler à des projets de mobilier avec René Drouet (1899-1993). En 1948, elle collabore avec le couturier Jacques Fath pour le magazine Femina et débute son travail de tapisserie en collaborant avec l’atelier Tabard Frères, à Aubusson ; cette collaboration dure jusqu’en 1952. Ses tapisseries représentent un monde féerique et fantastique porté par une gamme chromatique soutenue dans lesquelles se mêlent soit des motifs floraux soit des motifs géométriques. En 1949, elle expose à la galerie René Drouet et au 65e salon de l’Union des femmes peintres et sculpteurs, puis, en 1952, à la galerie La Demeure (Paris). Au cours de cette décennie, elle continue également de réaliser de nombreux dessins pour des motifs textiles.
En 1956, elle s’arrête de créer pour se consacrer à la carrière de son mari dont elle dirige l’atelier. Elle occupe une place centrale dans la mise en œuvre des différents projets de musées envisagés par V. Vasarely.
Le Musée Vasarely de Gordes est inauguré par Claude Pompidou en 1970, puis en 1976 Jacques Chirac inaugure le Centre Architectonique d’Aix-en-Provence. C. Vasarely joue alors un rôle important comme membre fondatrice et vice-présidente de la Fondation Vasarely en France. Depuis 1976, une salle permanente dédiée à son travail est présentée au Victor Vasarely Museum de Pécs, en Hongrie, où ses œuvres sont montrées aux côtés de celles de son mari et de leur fils, Yvaral (Jean-Pierre Vasarely, 1934-2002).
C. Vasarely fait partie des première artiste de sa génération à intégrer les innovations du Bauhaus dans ses créations graphiques et faire de la tapisserie l’un des média de l’art contemporain. Ses tapisseries vibrantes, ses graphismes amusants et l’expressivité de sa peinture sont aujourd’hui encore des témoins de sa profondeur intellectuelle et de sa sensibilité artistique. L’héritage de C. Vasarely n’est pas à la marge de l’histoire du Op Art, et constitue un chapitre important de l’histoire de l’art du xxe siècle marqué par son esprit pionnier. Son unique et visionnaire reste tout fait pertinent à notre époque, et résonne avec la réévaluation contemporaine des carrières des artistes femmes.