Skew, 10 Chancery Lane Gallery, Hong Kong, 12 septembre – 5 octobre 2019
→Xiao Lu Impossible Dialogue, 4A Centre for Contemporary Asian Art, Sydney, 19 janvier – 24 mars 2019
→Xiao Lu, Skovde Art Museum, Skovde, Suède, 2017
Performeuse chinoise.
Xiao Lu (肖鲁) vit et travaille entre la Chine et l’Australie. Elle est considérée comme l’une des figures les plus influentes du groupe expérimental radical ‘85 New Wave et elle est l’une des rares femmes associées à ce mouvement. En 1979, elle suit des cours à l’école secondaire de l’Académie centrale des beaux-arts de Chine à Beijing, puis part étudier la peinture à l’huile à l’Académie des beaux-arts du Zhejiang à Hangzhou. Diplômée en 1988, elle travaille à l’Institut de peinture à l’huile et de sculpture de Shanghai.
Xiao L. est largement connue pour la performance novatrice qui a accompagné son installation Duìhuà [Dialogue] lors de l’ouverture de la première exposition d’art expérimental China/Avant-Garde au musée d’Art national de Chine en 1989. Organisée par les conservateurs influents Li Xianting, Peng De et Gao Minglu, l’exposition rassemble trois cents œuvres réalisées entre 1985 et 1987. Au cours de ses deux semaines d’ouverture, le gouvernement impose deux fermetures. La première fait suite aux deux coups de feu que Xiao L. tire à bout portant sur les deux cabines téléphoniques hors d’usage de son installation : la détonation et le bris du verre attirent immédiatement l’attention des autorités et conduisent à l’arrestation de l’artiste. Elle passe deux jours en garde à vue et est inculpée pour trouble à l’ordre public. Xiao L. a eu l’occasion d’expliquer que les « éléments accidentels » font partie intégrante de ses performances. Duìhuà avait été créé cinq ans plus tôt pour son œuvre de fin d’études et représentait une rupture majeure avec la discipline qu’elle avait choisie, la peinture à l’huile.
En 1989, peu après les coups de feu dans la galerie et la célébrité qui s’ensuit, Xiao L. se retire un temps de la scène artistique et déménage à Sydney. Elle retourne à Hangzhou en 1997 puis s’installe définitivement à Beijing en 2003, où elle passe aujourd’hui une partie de son temps.
Xiao L. a la réputation d’utiliser son corps comme un support et de faire graviter ses performances autour de son expérience personnelle et des luttes de pouvoir, plus particulièrement des rapports complexes entre hommes et femmes. Ces dynamiques s’incarnent souvent dans des œuvres dramatiques, puissantes et troublantes, parmi lesquelles son installation vidéo Sperm (2006), qui raconte sa tentative avortée de recourir à une fécondation in vitro.
En 2003, Xiao L. réalise 15 Qiāng Cóng 1989 dào 2003 [15 coups de feu de 1989 à 2003], un audacieux ensemble d’œuvres qu’elle décrit comme un virage artistique et personnel. Il rappelle sa première performance, ainsi que la recherche collective des quatorze années de travail artistique qui ont suivi.
Pour sa performance Qīngxǐ [Purge] à la 55e Biennale de Venise en 2013, dans le cadre d’une exposition chinoise parallèle intitulée Grand Canal conçue par Xiao Ge, Xiao L. fait venir un grand seau de boue extraite du Grand Canal à Beijing dans le but de se faire un massage Tui Na taoïste et ainsi éliminer métaphoriquement les toxines de son corps nu. Elle compte réaliser la performance dans une église de Venise, mais rencontre de la résistance de la part du site, qui décrète que la performance doit avoir lieu dehors. La veille de l’événement, le seau et son contenu disparaissent mystérieusement. Cela ne dissuade pas Xiao L. de réaliser sa performance : elle se déshabille dans l’église avant d’aller nager dans le canal ; pendant ce temps sont exposées dans l’église des feuilles de papier encadrées et badigeonnées d’huiles essentielles, représentant des toxines corporelles de l’artiste et leur analyse chimique.
Xiào lǔ : Yǔ hēi [Xiao Lu : impossible dialogue], une exposition fondatrice organisée par Claire Roberts et Xu Hong, est présentée début 2019 dans le cadre du festival de Sydney au centre d’art contemporain 4A, trente ans après la performance inaugurale de l’artiste. L’atelier international qui se tient en parallèle rassemble artistes, critiques et historiennes et historiens de l’art venu·e·s de Chine, d’Indonésie et de Singapour pour débattre de la question du genre dans la création. Cet esprit de résistance constitue encore aujourd’hui la force majeure de bien des œuvres de Xiao L. Elle reste l’une des rares femmes dont le travail a été célébré comme annonciateur de l’avènement de l’art contemporain en Chine à la fin des années 1980. Comme elle le dit, « même si vous m’oppressez et faites pression sur moi, je vous résisterai ».