Design: Lisa Sturacci © AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions
A l’occasion de l’ouverture de l’exposition « Machine Love. Video Game, AI and Contemporary Art », ce colloque co-organisé par AWARE et le Mori Art Museum, Tokyo mettra en lumière les contributions des artistes femmes et non-binaires dans le domaine de l’art des nouveaux médias.
À travers un regard transrégional et interculturel, il explorera leurs pratiques depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Les chercheur.euses, artistes et commissaires invité.es examineront comment les artistes femmes ont répondu aux développements technologiques en explorant et en se réappropriant les nouveaux médias. Ces démarches ont permis l’émergence de formes artistiques innovantes et de perspectives inédites. Iels examineront également l’impact de ces technologies sur la perception du genre, la représentation des corps féminins et leur rôle dans la société, en s’appuyant sur les œuvres et les réflexions des artistes. S’inspirant de la pensée cyberféministe, le colloque explorera à la fois les opportunités offertes par les nouveaux médias et les défis qu’ils posent pour les femmes et les artistes dont les voix ont été marginalisées dans les récits dominants de l’histoire de l’art.
Cet événement s’inscrit dans le cadre du programme de recherche « Vivre avec deux cerveaux : Artistes Femmes dans les Nouveaux Médias, années 1960 – 1990 », mené par AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions.
Informations pratiques
Samedi 15 et dimanche 16 février 2025
Tokyo Node Hall (46e étage, Toranomon)
Programme en japonais sur le site du Mori Art Museum
Réservation obligatoire pour chaque journée :
Réservez ici pour le jour 1
Réservez ici pour le jour 2
Ce panel explore l’émergence de l’art des nouveaux médias dans les années 1960 et 1970, une période marquée par des développements technologiques majeures dans les systèmes informatiques, les télécommunications et les technologies de l’enregistrement vidéo. Les artistes femmes ont su s’approprier ces nouveaux outils, qu’il s’agisse de technologies complexes nécessitant une collaboration avec des laboratoires de recherche, comme les systèmes informatiques, ou d’équipements plus accessibles, tels que les caméras vidéo. Ces nouveaux médias ont engendré des défis esthétiques qui ont redéfini les frontières des formes artistiques traditionnelles et interrogé des notions établies, notamment celles liées à l’autorité artistique, aux rôles de genre, à l’identité et à la représentation. En adoptant ces moyens d’expression innovants, les femmes artistes ont joué un rôle clé dans l’exploration de thématiques telles que le corps, l’interactivité et l’influence des médias de masse. Par leurs pratiques, elles ont également confronté et déconstruit les stéréotypes de genre profondément enracinés dans l’histoire de l’art. En outre, les artistes femmes ont enrichi les perspectives de l’art des nouveaux médias par leurs approches expérimentales et subversives, en explorant à la fois ses potentialités créatives et ses limites.
Modération par
Camille Morineau, directrice et cofondatrice d’AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions
Nina Volz, responsable du développement international d’AWARE: Archives of Women Artists, Research and Exhibitions
14h15-14h35 | Daria Mille, curatrice et collaboratrice scientifique au ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe
Les artistes femmes à la genèse de l’art technologique : aux origines de E.A.T.
E.A.T. (Experiments in Art and Technology), organisation à but non lucratif fondée dans les années 1960, avait pour vocation de promouvoir la collaboration entre artistes, ingénieurs et scientifiques. Avec son approche résolument expérimentale et son engagement à répondre aux enjeux sociétaux, E.A.T. a offert un espace propice à l’inclusion de nombreuses artistes femmes. Cette présentation examinera, à travers des exemples tirés des premières années d’E.A.T., les diverses formes de participation et les contributions significatives des artistes femmes à l’émergence de l’art technologique à la fin des années 1960.
Daria Mille est curatrice et collaboratrice scientifique au ZKM | Center for Art and Media Karlsruhe. Ses recherches se situent à l’intersection des arts, des sciences et des technologies, avec un intérêt particulier pour les pratiques expérimentales qui placent les institutions artistiques en tant qu’agents de changement. Elle explore des approches remettant en question les canons établis tout en promouvant des méthodes de travail et de production durables.
14h35-14h55 | Soojung YI, curatrice au Musée national d’art moderne et contemporain (MMCA), Corée du Sud
Les artistes femmes à Séoul dans les années 1970 : Soungui Kim et Okhi Han
Cette présentation explorera les pratiques de deux artistes femmes majeures des années 1970, Kim Soungui et Han Okhi, dans des contextes culturels distincts, ainsi que leur engagement au sein du Kaidu Club. Arrivée en France au début des années 1970, Kim Soungui a marqué les esprits avec sa première exposition personnelle, KIM Soungui Art Festival, en 1974. Ce projet mêlait projections vidéo, art conceptuel, discussions et performances participatives, offrant une approche qui a profondément influencé une nouvelle génération d’artistes. De son côté, Han Okhi a fondé le Kaidu Club, un collectif dédié au cinéma expérimental réunissant plusieurs artistes. Elle a également organisé des festivals de cinéma expérimental au milieu des années 1970, jouant un rôle déterminant dans la reconnaissance et la diffusion de ce médium en Corée du Sud. Bien que leurs parcours diffèrent, Kim Soungui et Han Okhi ont toutes deux affronté des préjugés et des discriminations dans des contextes souvent hostiles à leur travail. Cette présentation analysera les défis auxquels elles ont été confrontées en s’appuyant sur des archives, notamment des articles de presse et des revues d’art comme le magazine Space (Gonggan), qui ont documenté leurs contributions et leurs activités.
Soojung YI est curatrice au Musée national d’art moderne et contemporain (MMCA) de Corée du Sud, basé à Séoul. Avant de rejoindre le MMCA en 2012, elle a travaillé à l’Art Center Nabi et au Daejeon Museum of Art. Parmi ses projets majeurs figurent Transport to Another World (2024), Movement Making Movement (2021), Unflattening (2020), Soungui Kim: Lazy Cloud (2017), et Infinite Challenge (2013). Depuis 2020, elle est en charge du département Film et Vidéo du MMCA, où elle a conçu des programmes de projections tels que Film: Text & Image (2022), dédié à cinq cinéastes femmes, et Ana Vaz (2024).
14h55-15h15 | Gabriela Aceves Sepúlveda, professeure agrégée à l’École des arts interactifs et de la technologie (SIAT), Université Simon Fraser
Les artistes femmes d’Amérique latine : pionnières de l’art des nouveaux médias dans les années 1970
Dans les années 1970, les artistes femmes d’Amérique latine ont commencé à explorer les technologies vidéo et d’imagerie informatique, malgré des conditions souvent marquées par un accès limité et inégal à ces outils dans la région. Des figures comme l’Argentine Marta Minujín (1943–), la Mexicaine Pola Weiss (1947–1990) et la Brésilienne Anna Bella Geiger (1933–) se sont démarquées par leurs œuvres innovantes. Non seulement ces artistes ont repoussé les frontières de la création artistique en expérimentant avec les technologies émergentes, mais elles ont également joué un rôle crucial dans la démocratisation de l’accès à ces médiums et dans l’encouragement de pratiques avant-gardistes. En s’appropriant ces technologies, ces artistes ont non seulement transformé les représentations genrées dans l’art, mais ont également remis en question les perceptions dominantes de la technologie, souvent perçue comme un domaine masculin. Les artistes d’Amérique latine ont établi des relations innovantes entre le corps et la technologie, en s’éloignant des formats artistiques traditionnels pour explorer des expérimentations mêlant performance, danse, vidéo, télévision en circuit fermé, ainsi que des technologies d’imagerie numérique et médicale. En mettant l’accent sur des artistes du Brésil, du Mexique, de la Colombie, du Chili et de l’Argentine, cette présentation examinera leur langage audiovisuel unique, leur manière d’exploiter les potentialités des technologies émergentes et la façon dont elles ont révélé leurs limites, tout en redéfinissant les rapports entre art, technologie et identité. Elle mettra également en lumière la manière dont ces artistes ont défié les représentations médiatiques dominantes de la féminité, tout en positionnant le corps féminin comme un espace à la fois de violence et de potentiel politique.
Gabriela Aceves Sepúlveda est professeure agrégée à l’École des arts interactifs et de la technologie (SIAT) de l’Université Simon Fraser, où elle dirige le Critical-MediaArtStudio et enseigne la production, la théorie et l’histoire de l’art des médias. Ses recherches et sa pratique artistique multimédia se concentrent sur l’histoire des femmes et des féminismes à l’intersection des arts, des sciences et des technologies. Elle est également autrice du livre primé Women Made Visible: Feminist Art and Media in Post-1968 Mexico (Nebraska University Press, 2019).
L’émergence du World Wide Web dans les années 1990 a radicalement transformé les modes de communication, offrant une plateforme inédite et ouverte aux mouvements artistiques, sociaux et politiques. Dans ce contexte, le cyberféminisme s’est affirmé comme une réponse collective à l’expansion du monde numérique, revendiquant un espace pour les femmes dans cet univers virtuel. D’un côté, les perspectives techno-utopiques ont mis en avant la possibilité pour les femmes de créer de nouveaux langages, tout en reprogrammant les structures des technologies de l’information. Ce contexte a offert un espace potentiel pour l’émancipation féministe et l’émergence d’identités fluides, affranchies des binarités et hiérarchies de genre traditionnelles. Cependant, certains critiques ont souligné que les inégalités enracinées dans le monde physique, notamment celles liées aux relations sociales, culturelles et économiques sexistes et racistes, étaient également reproduites dans ces espaces numériques. Malgré ces défis, de nouvelles initiatives artistiques ont permis aux femmes et aux artistes non-binaires de s’approprier les médias numériques, alors encore en pleine définition esthétique. Cela a permis des approches interactives, une diffusion rapide d’images et d’informations et une connexion au-delà des frontières, tout en reconnaissant l’ambivalence de ces développements technologiques.
Modération par
Mami Kataoka, directrice du Mori Art Museum
16h-16h20 | Yukiko Shikata, critique d’art et curatrice
Les années 1990 : l’essor de l’art médiatique et du féminisme
Les années 1990 ont été marquées par l’émergence de l’« art médiatique », un mouvement qui a pris son essor avec l’art interactif avant de se diversifier en art net, art logiciel et projets publics. Ce phénomène s’inscrivait dans un contexte social et politique profondément transformé par la fin de la guerre froide en 1989, permettant une redéfinition des frontières entre disciplines artistiques et une plus grande fluidité dans les échanges. Les femmes et artistes non-binaires ont su tirer parti de cette dynamique pour produire des œuvres novatrices, tout en réinventant les rapports entre art, technologie et identité. Cette présentation proposera une analyse croisée de plusieurs exemples issus de l’Europe, du Japon et des États-Unis et mettra en lumière le rôle que ces artistes ont joué dans l’essor de ce mouvement. La présentation s’intéressera également aux nombreux duos homme-femme qui ont marqué cette période, en explorant les contextes et les dynamiques de leurs collaborations. Elle abordera aussi la liste de diffusion FACES, un outil clé du cyberféminisme en Europe et aux États-Unis, qui a permis de créer un réseau de soutien et d’échanges autour des pratiques artistiques féministes numériques. Au Japon, les travaux critiques de Seiko Mikami et Keiko Kimoto seront examinés comme des stratégies artistiques permettant de contourner diverses formes d’oppression sociale, notamment les contraintes spécifiques au féminisme dans un contexte où les mouvements féministes peinent à se faire entendre.
Yukiko Shikata est critique d’art, curatrice et présidente de l’AICA Japon. Également « écosophe », elle est directrice artistique de Forest for Dialogue and Creativity, professeure invitée à l’Université d’art Tama et à l’Université Tokyo Zokei, et enseignante à l’Université d’art Musashino, IAMAS et l’Université des arts de Kyoto. Son travail traverse les disciplines en se concentrant sur les flux d’information et leurs implications artistiques. En tant que commissaire pour Canon ARTLAB (1990–2001), le Mori Art Museum (2002–2004), conservatrice en chef de l’ICC (2004–2010) et curatrice indépendante, elle a réalisé de nombreux projets expérimentaux et expositions. Parmi ses travaux récents figurent Energies in Rural (2021–2023), Maki Ohkojima + Yosuke Tsuji “CHIKATO” (2023) et Konton-ni-Ai! (2024). Elle est également jury pour de nombreuses compétitions et auteure de Ecosophic Art (2023), ainsi que plusieurs co-publications. Plus d’informations : yukikoshikata.com.
16h20-16h40 | Karen Cheung, Conservatrice associée des arts médias, San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA)
Maquillage sur un espace vide : embrasser la féminité dans le domaine numérique
Cette présentation explore comment des femmes artistes des nouveaux médias, actives en Amérique du Nord dans les années 1980 et 1990, ont utilisé le pouvoir et l’esthétique de la féminité pour créer des espaces numériques favorisant l’intimité et la proximité. En adoptant Internet à la fois comme médium et comme méthode, ces artistes ont cherché à établir des connexions, qu’elles soient personnelles ou communautaires. Des figures telles que Lynn Hershman Leeson, Auriea Harvey et Skawennati s’inspirent du concept de girl power, ainsi que des rôles, comportements et gestes associés au genre féminin, pour développer un langage visuel et numérique distinct. Leurs avatars numériques et leurs « secondes peaux » incarnent des formes d’expression qui oscillent entre déguisement et armure, offrant une manière de défier les préjugés de genre dans un monde de l’art contemporain encore largement dominé par les hommes.
Karen Cheung est curatrice et chercheuse basée à Oakland en Californie. Ses recherches actuelles portent sur l’éphémérité et les affects dans l’art performatif, en lien avec la participation du public. Ses écrits ont été publiés dans Art Practical, Open Space, MARCH Journal of Art and Strategy, et Voices in Contemporary Art Journal. Elle a occupé des postes au sein de KADIST, de la Vancouver Art Gallery, du De Young Museum et de l’Asian Art Museum de San Francisco. Actuellement, elle est associée curatoriale en arts médiatiques au San Francisco Museum of Modern Art.
16h40-17h | Oulimata Gueye, critique d’art et curatrice
Théoricien·nes du cyborg
Cette conférence explorera les liens entre « A Cyborg Manifesto » (1985) de Donna Haraway, texte fondateur du cyberféminisme, et plusieurs théoriciennes afro-américaines actives à la même période. Elle s’appuie sur les travaux de la philosophe Elsa Dorlin et de chercheuses afro-américaines comme Cassandra L. Jones. Elsa Dorlin, qui a coédité Penser avec Donna Haraway, situe A Cyborg Manifesto dans un moment clé de l’histoire des mouvements féministes, marqué par une crise et une remise en question des fondements du féminisme traditionnel. Elle met en lumière des textes essentiels qui plaident pour une décolonisation du féminisme et une réévaluation des rapports entre technologie, pouvoir et genre. De son côté, Cassandra L. Jones explore comment la science-fiction de Octavia Butler, centrée sur les interactions entre corps, technologie et nature, enrichit et approfondit le concept de cyberféminisme. Elle positionne Octavia Butler non pas comme une « théoricienne pour les cyborgs », mais plutôt comme une « théoricienne du cyborg », en réinterprétant les rapports entre corps, technologie et identité à travers une perspective de résistance et de transformation. Cette présentation s’inscrit dans le prolongement de la série de conférences, performances et débats organisée à la Gaîté Lyrique en 2018, en collaboration avec la chercheuse et commissaire Marie Lechner. Intitulée Afrocyberféminismes, ce cycle revisitait l’histoire des technologies numériques sous le prisme du cyberféminisme, de l’afroféminisme et de la science-fiction.
Oulimata Gueye est une critique et curatrice franco-sénégalaise. Son approche curatoriale s’articule autour de recherches à l’intersection des technologies numériques, de l’art contemporain, de la littérature, de la culture populaire et des micropolitiques. Elle a contribué à de nombreux projets internationaux sur la culture électronique, la performance, les pratiques sonores expérimentales et les arts médiatiques. Ses travaux récents combinent fiction, science, technologie et savoirs pour interroger la place de l’Afrique et de ses diasporas dans une perspective critique et alternative. Elle enseigne actuellement à l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon (Ensba Lyon), où elle dirige le programme de recherche post-diplôme en art. Elle est également membre du comité scientifique du Fonds artistique Édouard Glissant.
Lors de cette deuxième journée du programme, trois sessions réuniront des artistes et des curateur·ices du Mori Art Museum pour explorer comment les artistes intègrent la technologie dans leurs processus créatifs, en dialogue avec les réflexions historiques allant des années 1960 à aujourd’hui.
Session 1 | Intervention de : Sputniko! (Artiste)
Discussion avec : Kataoka Mami (Directrice, Mori Art Museum)
Session 2 | Intervention de : Diemut (Artiste)
Discussion avec : Martin Germann (Commissaire adjoint, Mori Art Museum)
Session 3 | Intervention de : Fujikura Asako (Artiste)
Discussion avec : Yahagi Manabu (Commissaire associé, Mori Art Museum)
Discussion de clôture
Interventions de : Camille Morineau (Directrice et co-fondatrice d’AWARE), Mami Kataoka (Directrice, Mori Art Museum)