Samta Benyahia, De Maison Blanche à Maison Blanche, 1997, vue d’installation, Institut Français, Casablanca, © ADAGP, Paris
Les œuvres d’art font partie intégrante de la plupart des liturgies religieuses, par le biais des objets rituels utilisés pendant les cérémonies ou encore de l’architecture des lieux de culte, dont l’iconographie et l’ornementation sont des instruments précieux dans l’instauration du sacré. Comme dans tous les autres champs de l’art, la place des artistes femmes dans ces productions a souvent été minoritaire : certaines d’entre elles ont réussi à se réapproprier la sphère du spirituel en y projetant leur propre conception des religions et de leurs rites. Ainsi Berlinde de Bruyckere (née en 1964) offre une vision très mélancolique et sombre du christianisme, en se concentrant sur la mise en scène de la souffrance, en relation avec son travail sur le corps et l’intime. De manière très différente, Shirazeh Houshiary (née en 1955) reprend dans ses sculptures les codes esthétiques de l’architecture religieuse islamique pour en magnifier la délicatesse et la subtilité. Dans plusieurs de ses vidéos et sculptures rupestres, Ana Mendieta (1948-1985) s’intéresse aux religions cubaines datant d’avant la colonisation européenne en s’aventurant dans les grottes où étaient célébrées des déesses qu’elle associe à ses propres réflexions sur le lien entre nature, corporalité et féminité. Quant à Mariko Mori (née en 1967), elle est fascinée non pas par les anciennes idoles mais par les nouvelles : dans Miko no inori [La prière de la chamane, 1996], elle se met en scène lors d’une séance de prière futuriste où elle se réinvente en maîtresse de cérémonie chamanique cybernétique.
Qu’elles adoptent un point de vue critique sur les croyances ou qu’elles choisissent de les sublimer, ces artistes proposent un commentaire sur les religions, sur leurs pratiques, ou encore sur les lieux où elles s’épanouissent, pour se les réapproprier. Il s’agit également pour elles de nous inciter à interroger notre rapport à la spiritualité et à ses codes.