L’avènement de la société bourgeoise au XIXe siècle et sa quête de démonstration sociale, font de la scène de genre et du portrait des représentations appréciées. Ils prennent un sens nouveau avec le succès de la photographie et des portraits-cartes à la fin du siècle. Les artistes femmes de cette période, tenues à bonne distance de la grande peinture (scènes historiques ou religieuses, portraits officiels…), trouvent dans ce type d’images un moyen d’exprimer leur créativité.
Le logis et celles et ceux qui le composent, deviennent une source d’inspiration qui permet à ces observatrices du quotidien de combiner les attentes de la vie bourgeoise – d’être bonne mère et épouse – avec celles de la vie d’artiste. Ainsi, Sigrid Hjertén (1885-1948), cantonnée au foyer dans lequel elle élève son fils, peint des scènes d’extérieurs aperçues par sa fenêtre. Les artistes prennent leurs enfants pour modèles. Déjà sous l’Ancien Régime, Élisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842) brossait de tendres portraits de sa fille Julie. Plus tard Suzanne Valadon (1863-1938) représente le jeune Maurice Utrillo (1883-1955) dans ses premières années et Claude Batho (1935-1981) rassemble dans son porfolio Portraits d’enfants (1975) des clichés de ses filles. Des photographes, à l’image d’Ergy Landau (1896-1967) ou d’Olga Maté (1878-1961), se spécialisent dans le portrait d’enfant et s’y épanouissent. Dans certaines œuvres, la mère rejoint son petit comme dans Mother and Child (1939) d’Elizabeth Catlett (1915-2012).
Des artistes s’intéressent au rapport filial et à la manière d’exprimer la perte d’un enfant, cela prend parfois des allures morbides chez Käthe Kollwitz (1867-1945) ou se rapproche de la psychose chez Alice Neel (1900-1984). D’autres plasticiennes observent l’enfance hors du cadre intime, comme la peintre suédoise Siri Derkert (1888-1973) qui représente les bambins de la rue dans la morosité de leur quotidien. Après elle, les photographes Eva Besnyo (1910-2003), Klara Langer (1912-1973) et Helen Levitt (1913-2009) font de ces enfants des rues les sujets de leurs reportages. Le thème de l’enfance c’est aussi un moyen pour les artistes de retrouver leurs propres instants d’innocence. C’est cet univers familier que tente de reconstituer la marocaine Chaïbia Talal (1929-2004) dans certaines de ces toiles.
La vie quotidienne se retrouve dans le travail d’artistes plus contemporaines qui bousculent la traditionnelle scène de genre, la défaisant de sa caractéristique immobile. Mary Kelly (née en 1941) ne fige plus sur la toile ou le papier photo un instant journalier, elle utilise un évènement tel que le post-partum pour le scruter et l’étudier dans le temps. Zineb Sedira (née en 1963) dans Mother tong (2002) fait d’une banale scène de discussion entre une mère et sa fille, un outil d’analyse qui transcende les générations et en matérialise les frontières culturelles.
Aussi, si les artistes femmes ont, aujourd’hui, extrait leur pratique artistique du foyer, certaines y trouvent toujours un intérêt, mais il ne faudrait pas considérer cela comme les seules sources d’inspiration des artistes femmes. On observe d’ailleurs une remise en question de ce thème, les créatrices s’en émancipent jusqu’à parfois le pervertir, à l’image de la sud-africaine Marlène Dumas (née en 1953) qui présente dans ses toiles des corps d’enfants déformés.