Dora Maar, Sans Titre [Main-coquillage], ca. 1934, négatif gélatino-argentique sur support souple, 23,4 x 17,5 cm, © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI© ADAGP, Paris
Le groupe des surréalistes se forme à Paris en 1924 autour de la figure d’André Breton. Le Manifeste du Surréalisme, publié la même année, définit le mouvement comme un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. » À ses débuts, il est exclusivement composé d’hommes, les femmes n’y sont présentes qu’en tant que muses ou amantes. Objets du désir masculin et hétérosexuel, elles se voient cantonnées aux représentations de femme enfant, femme fatale ou encore hystérique, afin de stimuler l’imaginaire des hommes qui s’abandonnent aux puissances de l’inconscient. Pourtant, les surréalistes, engagés politiquement et socialement, rejettent les traditions – mariage, enfants, famille – et souhaitent se servir de l’art pour réorganiser la société. Ce mouvement subversif, en recherche de liberté, attire alors de nombreuses artistes femmes.
Il faut attendre les années 1930 pour que des plasticiennes se saisissent du langage surréaliste qui s’efforce de réduire le rôle de la conscience et l’intervention de la volonté par la mise en place de nouvelles techniques et formes de créations. Jacqueline Lamba (1910-1993) et Valentine Hugo (1887-1968) participent à la production de cadavres exquis : œuvres collaboratives qui laissent place au hasard. Meret Oppenheim (1913-1985) avec Le déjeuner en fourrure (1936) et V. Hugo avec Objet à fonctionnement symbolique (1931) conçoivent des objets surréalistes : des assemblages qui jouent sur l’ambiguïté, la fétichisation et la valeur poétique des objets.
Certaines artistes s’approprient la puissance du désir et du rêve. Ainsi, Toyen (1902-1982) réalise des illustrations érotiques et des peintures oniriques qui surgissent de ses visions intimes. Le travail de Dorothea Tanning (1910-2012) se fonde sur ses hallucinations, entre angoisses et fantasmes sexuels. Des photographes explorent aussi les possibilités de déformation du réel : Lee Miller (1907-1977) manipule l’image par la solarisation et le rayogramme, quant à Dora Maar (1907-1997), elle crée des photomontages aux compositions étranges, empreints d’une fascination pour l’horrible et l’informe.
D’autres artistes se détournent de l’habituel répertoire surréaliste dans le but de réaffirmer leurs propres identités et leur indépendance. Parmi elles, la peintre Leonora Carrington (1917-2011) utilise le symbolisme animal pour exprimer son désir de liberté et se placer dans une lignée matriarcale. À travers la pratique de l’autoportrait, Claude Cahun (1894-1954), questionne les stéréotypes de genre, la multiplicité des identités, ainsi que l’androgynie. Dans ses toiles, Leonor Fini (1908-1996) quant à elle, dévoile des nus masculins, où l’homme devient un objet soumis aux regards des femmes. Ces renversements de perspectives matérialisent des critiques de la domination masculine au sein du mouvement et de la société.
La contribution des femmes au surréalisme est bien plus importante que ce qui est enseigné aujourd’hui en histoire de l’art. Dès les années 1930, elles participent à des expositions comme Fantastic art, dada and Surrealism au MoMA à New York en 1936 ou celle d’objets surréalistes à la Galerie Charles Ratton à Paris, la même année. C’est grâce à ces artistes et à leurs réseaux amicaux qu’après la Seconde Guerre mondiale le mouvement se développe au-delà du cercle parisien, notamment aux États-Unis et au Mexique – autour de figures telles que Remedios Varo (1908-1963) et Frida Kahlo (1907-1954).