En histoire de l’art, de nombreux couples d’artistes ont fait date comme Anna-Eva Bergman (1909-1987) et Hans Hartung (1904-1989), Sonia (1885-1979) et Robert Delaunay (1885-1941) ou Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) et Jean Arp (1886-1966). Partages et rivalités artistiques s’illustrent dans ces duos créateurs.
Des liaisons naissent de l’admiration mutuelle entre l’élève et son·a professeur·e. La relation entre Camille Claudel (1864-1943) et Auguste Rodin (1840-1917) est la source d’une grande inspiration. Pourtant, l’histoire se souvient de C. Claudel comme l’élève du grand maître, le musée Camille Claudel – ouvert en 2017 à Nogent-sur-Seine – démontre l’importance du travail de la sculptrice et le dédouane de celui de son amant. La carrière de Dora Maar (1907-1997) est aussi longtemps restée dans l’ombre de sa relation avec Pablo Picasso (1881-1973) et c’est son statut d’amante et de muse, plutôt que celui d’artiste, qui passe à la postérité. Rares sont les femmes qui prennent la position dominante dans ces associations, mais il existe des unions où les rôles s’intervertissent. Ainsi, Roi Partridge (1888-1984) fait figure de modèle pour Imogen Cunningham (1883-1976), c’est le corps dévêtu du graveur qui amène la photographe à révolutionner le nu.
Ces alliances sont mues par des combats artistiques et politiques partagés. C’est le cas de Frida Kahlo (1907-1954) et Diego Rivera (1886-1957) : leur militantisme et aspirations folkloristes communes se retrouvent dans leurs œuvres. Contrairement à d’autres histoires, ici la renommée de F. Kahlo semble indépendante de celle de son époux. La plasticienne Nancy Holt (1938-2014) et l’ambassadeur du Land Art Robert Smithson (1938-1973) collaborent entre 1963 et 1973, période durant laquelle elle immortalise en cinq films les travaux de son mari dans le désert du Nevada. Impliquée dans le mouvement, N. Holt en devient l’unique représentante féminine, mais reste moins (re)connue que son conjoint et ses confrères.
Ces lieux communs de la pensée donnent parfois naissance à des créations en binôme, comme l’album publicitaire Électricité – emblème du surréalisme – dans lequel Lee Miller (1907-1977) et Man Ray (1890-1976) s’unissent pour faire œuvre commune. C’est aussi le cas de Claude Cahun (1894-1954) et sa compagne Marcel Moore (1892-1972) qui travaillent ensemble à la réalisation de collages surréalistes. Pour d’autres, les créativités s’entrechoquent et se côtoient tout en gardant leur identité, à l’image de Niki de Saint-Phalle (1930-2002) et Jean Tinguely (1925-1991) qui créent seuls ou en couple et collaborent dans leurs plus grandes entreprises, comme le Cyclope dans la forêt de Milly (1969-1979) ou le Jardin des tarots à Garavicchio de Pescia Fiorentina, en Italie. Parfois, le couple peut scléroser la créativité d’une de ses parties, ainsi Jacqueline Lamba (1910-1993) se sépare d’André Breton (1996-1966) pour dit-elle : « pouvoir peindre ».
Certains duos s’ancrent dans des univers créatifs et participent ensemble à la vie des mouvements artistiques auxquels ils adhèrent. Ainsi les photographes Grete Stern (1904-1999) et Horacio Coppola (1906-2012) hébergent la première exposition du groupe Madi, tandis que la peintre Marlow Moss (1889-1958) et l’autrice Antoinette H. Nijhoff (1897-1971) s’entourent du groupe de l’Abstraction-Création.