Sheila Hicks, Palitos con Bolas, 2008-2015, Centre Pompidou, Paris, Don d’Itaka Martignoni et Cristobal Zañartu en 2017, © Centre Pompidou, 2017 © ADAGP, Paris
« Les travaux d’aiguille, autrement dit la couture, la broderie, la dentelle, la tapisserie et le tricot, font historiquement partie de la vie des femmes. », Aline Dallier-Popper, historienne de l’art et critique d’art, 1976.
À la fin du XIXe siècle, les travaux d’aiguille s’extraient de la sphère domestique et émergent peu à peu dans le monde de l’art : au sein du mouvement Arts and Crafts, puis dans des avant-gardes européennes. Principalement utilisé par des artistes femmes, ils vont nourrir de nombreux travaux plastiques. Sophie Taeuber-Arp et Sonia Delaunay les intègrent à leurs œuvres et déconstruisent progressivement les frontières entre arts appliqués, design et arts plastiques. Anni Albers puis Sheila Hicks se réapproprient des techniques et/ou matériaux traditionnels et tissent des liens entre l’art et l’artisanat. Le textile se libère alors de sa fonction utilitaire ou décorative et devient un médium artistique à part entière.
Son usage dans l’art s’impose à partir des années 1970, en écho aux mouvements féministes. Détournant les usages des travaux d’aiguilles, des artistes réalisent des œuvres soulevant une réflexion sur la condition des femmes et les rôles qui leur sont traditionnellement assignés : Raymonde Arcier (Au nom du père, 1977) dénonce la servitude domestique ; Annette Messager (Ma collection de proverbes, 1974) critique les stéréotypes de genre. Ce médium et ses techniques deviennent des outils d’expression et de revendication féministe. L’utilisation du textile par les artistes ne constitue pas un mouvement en soit mais est pratiquée de manière hétérogène : Ghada Amer associe peinture et broderie à ses toiles (Ma lune noire-RFGA, 2016), Françoise Janicot réalise des performances avec des ficelles (L’Encoconnage, 1972), Milvia Maglione utilise le tissu comme support d’accrochage (Dédicacé à L., 1973). Qu’elles soient revendicatives (Hessie, Grillage, 1972-75) ou plus personnelles (Louise Bourgeois, Needle (fuseau), 1992), les pratiques textiles s’apparentent à un langage dont les artistes s’approprient les codes.